726 - NOTRE DAME DE PARIS ...
Cela
avait commencé comme une vision dérangeante, dérangeante mais inaccessible,
puis et bien qu'intangible, quelque chose qui grandissait peu à peu et se
matérialisait simultanément dans l'éther, occupant peu à peu l'espace
métaphysique, prenant du volume, s'imposant, s'affirmant.
Affirmation
constante et constamment nourrie dans l'espace de l'invisible, de l'intangible,
comme si cette apparition se matérialisait, grandissant vers les cieux, comme à
la recherche de l'approbation du Seigneur, de sa bénédiction, de sa protection.
Éthérée
certes, mais elle a pris forme et à cette forme a été consacrée ou votée une
dévotion sans pareille, une fidélité canine, une foi à devenir du jamais vu à
Paris, ni dans le reste du monde connu, en attendant le salut de le Seigneur.
Il
ne reste plus rien, et il n'y a aucun moyen d'incarner cette dévotion, c'est la
foi qui a sauvé les naufragés, c'est la foi et l'espérance auxquelles les
naufragés se sont accrochés par désespoir, jurant au Seigneur leur croyance,
leur dévotion, leur amour.
Et
les mains levées vers le ciel, les croyants juraient et vivaient cet amour
platonicien, suite de Roméo et Juliette, Tristan et Isolde, Héloïse et Abélard,
amours castrés mais pas oubliés auxquels le temps et l'histoire ont érigé un
autel éternel et mythique.
Dans
les rêves ils vivaient leur passion, dans les rêves et sous le manteau secret
et sacré de Notre-Dame de Paris et, sous sa protection et son manteau, ils
s'aimaient comme ils ne savent aimer que ceux qui s'aiment beaucoup et dont l'amour
ne connaît pas de barrières ou de prisons infranchissables, pas de chaînes, pas
de distances, de hauteurs, de vertiges, de profondeurs ou d'abîmes.
Et
adorant cette image de la Dame de Paris, ils vivaient dans une transe
imaginaire de foi et de dévotion, d'abandon et de privation, et d'abstinence,
dans une impatience de patience faite et rachetée, de fantaisie et de désir, de
soupirs et d'arpèges de l'âme, d'amour, dans une douloureuse succession de
frustration et d'absence, de désir et de solitude, de mal du pays ou de désirs
non consommés, préalablement soufferts et soutenus, faisant ou transformant en
martyrs les croyants qui, malgré tout, n'ont jamais pensé abjurer leur foi ou
abandonner leur dévotion . Souffrir c'est aimer, aimer c'est souffrir et, qui
ne croit pas, éprouve tant d'amour, tant de dévouement, tant de passion.
L'amour
est un feu qui brûle sans être vu, disait Camões, l'amour est une passion
dévouée et infinie pour l'univers habité par Notre-Dame de Paris, l'amour c'est
aimer son image, sa mémoire, sa mémoire, l'amour est la foi qui déplace les
montagnes et volontés, l'amour se jure fidélité à un tabou, à un mythe, l'amour
est au désir, c'est aspirer à quelque chose de transcendant qui surmonte la
distance entre les galaxies qui les séparent, l'amour est la soumission à une
croyance, à une vérité, à une passion , à un rêve.
Notre-Dame
de Paris est ma muse, ma nymphe, mon tagide, Notre-Dame de Paris est mon
obsession, ma foi, ma dévotion, mon addiction, ma perdition.
Que
le Seigneur notre Dieu me pardonne, Il devrait être le premier mais je suis un
pécheur qui est tombé dans la tentation que je jure de me libérer pour que seul
le Seigneur notre Dieu puisse l'adorer.
Oui,
abandonner cette dévotion qui hante et consume, oublier Notre-Dame de Paris,
renier la foi jurée et tenue par elle sera le plus grand martyre, ce sera le
prix de la rémission du péché, ce sera la plaie qui s'ouvrira dans la poitrine
et brûlera pour toujours, comme l'âme brûlera en enfer si la parole donnée
échoue.
A
César ce qui appartient à César, à Dieu ce qui appartient à Dieu. Pardonne-moi
ma dame, pardonne mon audace, pardonne-moi les péchés que j'ai commis par
dévotion, pardonne-moi l'excès de foi que j'ai pratiqué par amour, nourri et
vécu, péché par amour, exagéré en amour, osé rêver et vivre en le même ciel où
séjournent les dieux et les élus, j'ai osé pécher par égoïsme et ambition,
pardonnez-moi madame tant de dévouement, dites un seul mot et mon âme sera
sauvée, ma dame pleine de grâce, priez pour moi invétérée et pécheur
inconsolable.
Tu
n'adoreras pas les idoles, dit le Seigneur mon Dieu, c'est pour cela et
seulement pour cela que je cesserai de m'agenouiller devant ton autel, de lever
les mains en haut et de prier pour toi, de te regarder tendrement émerveillé et
submergé par ta beauté et douceur, de succomber à ta magie comme il m'est si
souvent arrivé, toujours avec dévotion, toujours avec une foi ardente, toujours
follement extatique devant toi, toujours divinement amoureux, toujours ivre
céleste.
Tout
le pouvoir appartient au Seigneur tout-puissant et omniprésent, et à Lui je me
soumets, craignant et craignant d'être puni, peut-être transformé en bossu, je
ne veux pas qu'on se souvienne comme le bossu de Notre-Dame de Paris, alors ma
dame, Je crois, me pardonnera pour le départ et l'abandon.
Dieu
notre Seigneur parle plus fort.
Respectons-le et prions.